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Photo du rédacteurKarine Vienneau

La livraison

Dernière mise à jour : 28 févr. 2023




La brume recouvrait le plateau désertique. Plus que cinq heures avant que les rayons du soleil percent cette barrière opaque. Les phares jaunes du véhicule trahissaient sa présence, mais Viktor serait tranquille dans ce secteur puisque l’unique ranch du coin était à 25 kilomètres. Personne ne venait jamais ici. Personne, sauf Viktor pour faire la sale besogne. Adossé sur la porte du conducteur, Viktor se grillait une cigarette espérant contrôler son tremblement.


Un grand chat sauvage attiré par la lumière traversa le terrain vague, s’arrêta devant la présence humaine un instant les oreilles en alerte. La bête feula mécontente et repartie dans un bond dans les ténèbres. Viktor lança son mégot au sol et l’écrasa de sa botte. C’était maintenant ou jamais. Il attrapa la clé dans la poche de son jean et se déplaça jusqu’à son coffre. Il retira un cadavre dans un sac noir de plastique.


Viktor était fier de son coup. Le plastique était biodégradable et promettait une décomposition accélérée et surtout éthique de n’importe quelle matière organique. C’était la grosse Bernadette, la propriétaire du Old Dep’ dans le vieux centre-ville de Tucson. La grosse Bernadette était une bonne vendeuse et se tenait toujours à jour des nouvelles tendances environnementales. Et Viktor achetait beaucoup de sacs de plastique noir qui n’avaient pas passé inaperçus auprès de la propriétaire.Viktor était un homme avec une belle gueule et toujours avec de gentilles salutations, ça pouvait être aussi la raison.


Viktor était un russe expatrié, toujours en contact avec de vieux camarades. Il y a trois ans, son patron avait suggéré qu’il demande le visa pour les États-Unis puisque sa profession attirait trop l’attention. Les affaires du bureau brassaient beaucoup et étant un bon élément de la boîte, on le préférait loin au moment où les tirs allaient pleuvoir. Il était sacrément bon dans ce qu’il faisait Viktor et c’était sans surprise que la business continuait merveilleusement bien dans ce pays.


Viktor voyageait beaucoup à cause de son emploi, mais il aimait conduire. Même si le moteur crachait de la fumée dans le désert trop chaud et que son tuyau d’échappement vibrait en menaçant de rompre, Viktor saisissait de l’occasion d’explorer les environs, magasiner dans les vieux garages et les shop de mécanique. Entre les Livraisons, il s’occupait de sa vieille automobile pour la remettre en état de marche. Viktor était un grand manuel. Le jour où la voiture allait caler définitivement, Viktor avait toujours des bidons d’essence sous les bancs arrière pour la recycler.


Sa vieille voiture lui tenait à coeur. Il préférait de loin la renipper plutôt que de s’acheter les nouveaux modèles sur le marché avec tous les gadgets à la mode. Les GPS et tous les bidules de géolocalisation lui avaient coûté son précédent emploi. Avec toute cette technologie, c’était impossible de voler un véhicule sans se faire attraper par la police. Il ne savait pas faire fonctionner toutes ces applications connectées et ne les comprenant pas, il préférait s’en tenir loin. Viktor aimait les vieux modèles, intraçable et fiable. Il était un conservateur averti.

Viktor avait à son actif plus d’une centaine de livraisons. Il y en avait eu de toutes les grandeurs, toutes les heures du jour ou de la nuit, même qu’à l’occasion il y avait eu des soirées bien occupé ayant dû faire de multiples livraisons pour un seul client. Le type était organisé pour exerce son métier, mais Viktor n’aimait pas les jobs qui trainait en longueur. Alors quand on lui avait proposé le plus petit colis à déposer dans le désert depuis les débuts de sa carrière pour un prix qui ne valait pas le poids, Viktor avait sauté sur l’occasion.


Le colis avait été barouetté dans trois états avant que Viktor en prenne possession en Arizona. C’était une sale affaire. Même le gouvernement était impliqué. En temps normal, Viktor ne posait jamais de question. Il prenait le paquet, conduisait et trouvait un bon endroit pour faire la livraison. Il prenait les précautions qui étaient de rigueur; des sacs, des peltes selon le terrain qu’il creusait, des cordes si le colis gigotait trop et un fusil non immatriculé, au cas ou le colis décidait prendre ses jambes à son coup. Il ne disait rien. Viktor prenait sa paye, embarquait le colis et le reste était de la routine. Cette livraison aurait dû être comme toutes les autres, facile et vite exécutée.


Non seulement le colis était encore en vie, mais il parlait et gesticulait bizarrement. La créature même pas humaine avait de ses yeux globuleux qui hantaient une âme le restant d’une vie. C’était un petit extra évidemment pour en finir et Viktor acceptait toujours le temps supplémentaire. Il aurait été fou de ne pas se faire autant d’argent ! Dans ses tâches connexes, il y avait aussi de la destruction de preuve, mais bon sang s’il avait su que détruire une carlingue d’un vaisseau spatial serait à faire ! C’est clair qu’il aurait pris son lance-flamme pour économiser du temps. En plus de ça, le métal du machin volant ne venait même pas de la Terre et cela lui avait pris une semaine pour accomplir sa tâche. Ce maudit métal ne fondait pas !


Et le colis dans tout ça, il avait de la parlotte comme jamais et c’est seulement après un dosage de médicament que Viktor avait réussi à l’assommer. Si seulement Viktor avait compris un mot qui serait sorti de sa bouche, ça aurait pu être moins agaçant. En fait, ce n’était pas des mots à proprement parler, seulement des sons dans une intonation très grave et quasi grossière. Au début, Viktor pensait qu’il gerbait son dernier repas. Mais non, c’était juste le langage complexe de l’extraterrestre. Ça avait été une semaine horrible et il était dû pour des vacances. La bête n’avait pas cessé de répéter quatre lettres AIDN… AIDN ne voulait rien dire pour Viktor. Peut-être qu’il demandait de l’aide ? C’était cohérent que la créature eût réussi à apprendre quelques mots terriens si cela faisait plusieurs années qu’elle séjournait sur Terre. Avec un peu de temps, Viktor aurait su lui aussi quelques mots dans sa langue avec de la patience et de l’énergie.


Viktor avait tenté de noyer la bestiole dans l’eau et de l’abandonné dans le courant, mais sûrement dû à des facultés propres à son espèce, elle respirait et guérissait au contact du liquide. Viktor était bien embêtée, l’eau avait la vertu d’effacer toutes les preuves. Alors il s’était tourné vers l’option du désert et des coyotes. Le petit bronzage au soleil, la créature divaguait en marmonnant encore les quatre mêmes lettres AIDN, AIDN… L'extraterrestre tenta d'attraper à sa ceinture un bidule qui clignotait. Viktor lui enleva et le fourra dans sa poche, sans y prêter plus attention. C'était sûrement une arme. Ce sera un petit machin à analyser et à essayer de vendre une fois que le travail serait terminé. Viktor se trouvait irresponsable de s'être aperçu de l'objet que maintenant. Et si la créature avait réussi à activer un bouton, il serait peut0être désintégré à l'heure qui est ? Viktor frissonna à l'idée d'avoir échappé au pire.


Viktor avait trainé le sac noir à quelques mètres de la voiture, emportant avec lui sa pelte en pointe pour creuser le sol dur du désert. Au bout d’une demi-heure, l’espace créé était suffisamment grand pour accueillir le colis. Viktor s’apprêtait à donner le coup de pelte final à la créature quand, un rideau de poussière se souleva. Un bruit de moteur bruyant venant des airs s’approchait de sa position. Viktor couvrit son visage puis lorsque la tempête s’atténua il réussit enfin à voir quelque chose. Devant lui, un vaisseau avec le même métal lustré qu’il avait détruit à peine quelques jours auparavant avait atterri.


La porte du vaisseau s’ouvrit brusquement et un extraterrestre s’avança sans hésitation directement vers Viktor. Viktor fit un pas en arrière, inquiet. La créature cracha des sons étranges puis elle ajusta un bidule lumineux à sa ceinture. Les sons qui sortaient de sa bouche devinrent surprenamment audibles.


— Où est-il ?


Viktor croyant que la créature parlait du colis pointa le fond du trou. L’extraterrestre s’avança et regarda impassiblement le sac noir qui contenait le cadavre de son confrère.


— Non, dit le traducteur de la créature. Vaisseau en panne.


La créature montra le même bidule que Viktor avait confisqué à son colis. Il tira de sa poche l’objet et le montra à l’extraterrestre.


— AIDN, affirma le traducteur.


— AIDN ? répéta Viktor sans comprendre.


— Nous sommes l’Association interplanétaire des Naviguateurs. Nous avons détecté un vaisseau en panne, nous venons le remorquer.


Viktor sacra dans sa langue maternelle et le traducteur universel de la créature ne sut pas comment interpréter les mots.


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Karine Vienneau

Ma promesse d'écrivaine est de vous offrir des univers incertains, des émotions exprimées, des personnages en quête de vérité.

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