Depuis que je suis jeune, l’écriture m’a toujours attirée. Tout d’abord confronté aux mots dans les histoires qu’on me lisait. Ils dansaient sur les pages blanches formant des blocs d’idées qui ne m’étaient pas accessibles.

J’entendais les sons dans les mots et ils vibraient en moi comme une douce chanson, ils prenaient un sens et une puissance. J’ai voulu recopier l’écriture et j’ai été vite confronté à la complexité du langage, des connaissances que je n’avais pas à cet âge. Si je pouvais seulement décoder ce langage…
Étrangement, mon intérêt vers le français a commencé brutalement à l’école. Je n’avais pas la plus fine des écritures, j’étais lente et brouillonne. Dans ma tête pourtant c’était limpide, aussi propre que dans les livres que je lisais maintenant à une vitesse phénoménale. Je redoutais l’écriture, mais en était toujours autant fascinée. Je pouvais faire mieux. Toujours mieux, même je n’étais pas très bonne élève.
Un jour, j’ai eu un cauchemar puissant qui m’a donné envie de l’écrire, de me souvenir, d’ordonner mes terreurs nocturnes. J’avais 11 ans peut-être 12 ans. J’ai écrit sur des centaines de feuilles. J’ai recopié cette histoire jusqu’à avoir mal aux mains. J’ai enfin troqué les feuilles lignées pour la vieille machine à écrire de ma mère. Quel son poignant le ding de l’appareil. J’ai cru que mon monde s’écroulait devant cette merveille. Je restais des heures avec elle, parfaire mon histoire jusqu’à l’arrivé de l’ordinateur.
L’écriture a encore une étrange fascination pour moi. J’ai utilisé les mots pour mettre du sens dans ce que je vivais, ordonner ma pensée, traduire les images qui flottaient en électrons libres dans ma tête. Ce monde que j’ai découvert m’appartenait et il n’était pas désireux de voir des prouesses, simplement exister à l’extérieur de la conscience, essayer d’être quelque chose.
La curiosité a toujours bien servi cette passion vorace. Tant que je déchargeais mon esprit par les mots, d’autres idées venaient pour les remplacer. Je n’ai jamais connu la page blanche. La fatigue oui. Les émotions vives, oh que oui ! L’impatience contre la technologie, je n’en parle même pas.
L’écriture me permet toujours d’aller là où je ne suis pas la bienvenue. L’écriture me permet de m’aventurer au-delà de ma capacité physique et parfois éthique. L’écriture construit et déconstruit les mythes et les préconçues. Elle imagine le pire et le meilleur. Elle a du sens où il n’y en a pas. Permets l’hésitation, là où c’est nécessairement figé dans le temps. Les mots sont des armes redoutables que peu s’emploie à respecter ou use avec méchanceté.
L’écriture est pour moi une source infinie de questions et de création, où aucune boucle ne se referme jamais. On prétend savoir le début d’une bonne histoire ou comprendre la fin d’une autre, la vérité c’est que dans l’écriture rien n’est sûr. Aujourd’hui ceci plaira, mais la journée suivante tout sera à jeter.
Comme un fauve dans une cage, l’écrivain n’a que le livre pour le contraindre de se déchaîner, de donner un sens, d’arriver à conclure, de lâcher le morceau et créer autrement.
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